Lê Phổ
Né le 2 août 1907 dans la province de Ha Tay, dans une famille de hauts mandarins (son père est le vice-roi du Tonkin), Lê Phổ étudie deux années à l’École d’art appliqué à l’industrie dirigée par le sculpteur Gustave Hierholtz, avant d’intégrer l’École des beaux-arts de l’Indochine dès sa création à Hanoï en 1925. En 1930, tout juste diplômé, il est chargé de cours d’arts décoratifs et de dessin de meubles.
En 1931, Victor Tardieu, sensible au talent du jeune vietnamien, choisit d’en faire son assistant pour l’Exposition coloniale à Paris. Pour Lê Phổ, ce séjour est l’occasion de découvrir la France et aussi l’Europe. La traversée de pays aussi variés que l’Italie, les Pays-Bas et la Belgique, mais aussi la visite des musées – où il admire les primitifs – l’amènent à approfondir sa connaissance de l’art occidental et à s’y confronter directement. Déjà remarqué en 1930 au Salon des artistes français avec La Maison familiale au Tonkin, il participe également à ceux de 1933 et 1934. Il suit pendant un an, en 1932, des cours à l’École des beaux-arts de Paris, avant de regagner son pays natal. Affecté professeur de dessin stagiaire dès la rentrée 1932 au sein de l’École des beaux-arts de l’Indochine, il enseigne le dessin au lycée du protectorat puis au lycée Albert-Sarraut à Hanoï. Le proviseur de son lycée rédige une note de recommandation le 19 janvier 1934 en faveur de la titularisation de Lê Phổ au sein de l’École des beaux-arts. Titularisé, il reçoit en parallèle des commandes officielles du palais de Hué. En 1934, le jeune artiste met à profit un voyage à Pékin pour s’imprégner de la peinture traditionnelle chinoise qui le marquera durablement.
C’est en 1937, alors qu’il est directeur artistique de la section « Indochine » de l’Exposition universelle installée sur l’île aux Cygnes, qu’il décide de s’installer en France. En 1941, avec les peintres Mai Trung Thứ et Vũ Cao Đàm, Lê Phổ est invité à exposer en Algérie au sein de la galerie d’art Pasteur. Deux expositions successives sont alors organisées en 1942 et en 1944.
À partir de 1939, il expose régulièrement au Salon des artistes indépendants et au Salon des Tuileries à Paris. Introduit en France auprès des milieux artistiques modernes et d’avant-gardes, il développe un style personnel riche en références. On lit avec aisance les influences des primitifs italiens dans les œuvres d’une grande finesse qu’il réalise sur soie au cours de ses premières années parisiennes. La fréquentation de nombreux peintres, la rencontre avec Matisse, et surtout avec Bonnard au début des années 1940 l’incitent peu à peu à revenir vers la peinture à l’huile et à jouer avec les aplats de couleurs lui permettant un réel épanouissement personnel autour du travail de la perspective et de la lumière.
Peintre des femmes, Lê Phổ a su de tout temps les « capturer » – en famille ou solitaires, maternelles ou sensuelles. Si sa façon de les portraiturer évolue au fil des ans, toutes présentent la même grâce. Avant 1950, l’artiste utilise principalement cette technique de l’encre sur soie, tenant ses origines dans les pratiques ancestrales chinoise, et qui a été apprivoisée et réinventée par les élèves des premières promotions de l’École des beaux-arts de l’Indochine. La finesse de la soie permet un rendu particulièrement délicat, adapté à la représentation de la douceur féminine. L’encre diluée permet de conserver une harmonie entre chaque couleur. La palette est alors traditionnelle, sobre et composée de tonalités sombres. Si les influences asiatiques et européennes se lisent, des codes universels sont également souvent présents à travers quelques accessoires tels la fleur de lotus, l’éventail, le foulard…
Au milieu du XXe siècle, la palette de l’artiste s’enrichit de couleurs vives et de supports plus occidentaux, tels la toile, puis l’isorel, qui facilitent bientôt l’introduction de l’huile pour un rendu vibrant et innovant. Soutenu par son épouse, Paulette, il organise de nombreuses expositions qui participent à la diffusion de son œuvre. Les galeries qui le présentent sont initialement la galerie Romanet et la galerie Roux-Hentschel en France, et il est exposé dans de nombreuses villes, telles que Avignon, Bordeaux, Dijon, Lyon, Nice, Nantes, Strasbourg… Entre 1956 et 1961, il présente son travail aux côtés de celui de Foujita. Il expose aussi à Casablanca et à Buenos Aires (1942 et 1943), ainsi qu’à Bruxelles. À partir de 1963, il signe un contrat avec la galerie Wally Findlay aux États-Unis qui lui permet une belle visibilité à San Francisco, à New York, à Palm Beach et à Chicago…
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Cette liste n’a pas vocation à être exhaustive ni à les confondre dans un même courant ou une même école. Ils ont pour points communs le goût de l’art et le bénéfice d’une curiosité artistique vers une deuxième culture, orientale ou occidentale.