Vũ Cao Đàm
Biographie par Yannick Vu, sa fille
Vũ Cao Đàm naît le 8 janvier 1908 à Hanoï, fils de Vũ Đình Thi et Phạm Thị Cúc. Il est le cinquième de quatorze enfants, dont neuf ont atteint l’âge adulte. La famille est originaire du district de Trinh-Xuyen (aujourd’hui Liên Bao) de Vu Ban, province de Nam Dinh. Son père Vu Dinh Thi (1864-1930) est né dans une famille convertie au catholicisme depuis le XVIIIe siècle. À l’époque, faisant partie des rares Vietnamiens à maîtriser parfaitement la langue française, il est, pour cette raison, envoyé à Paris par le gouvernement à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889 pour représenter l’Indochine.
En 1926, Vũ Cao Đàm entre à l’École des beaux-arts à Hanoï. Il y suit des cours de dessin, de peinture et de sculpture. Au cours de ses études, Vũ Cao Đàm réalise le buste de son père, plusieurs têtes de jeunes filles dont la Jeune Vietnamienne exposée aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Hanoï, une autre ayant rejoint le musée du quai Branly à Paris, et il réalise plus tard le buste de Victor Tardieu.
Durant ces années de formation à Hanoï, les peintres qu’il découvre et admire le plus sont les primitifs italiens, Gauguin, Van Gogh, les impressionnistes français en général, et plus particulièrement Renoir, Bonnard, les fauves, ou encore Matisse et Modigliani. Pour la sculpture, son art avait un lien naturel avec la tradition khmère, mais il est surtout influencé par la sculpture chinoise. En 1928, Victor Tardieu organise une exposition collective avec des œuvres de Lê Phổ, Vũ Cao Đàm, et Mai Trung Thứ. Parmi les sculptures de Vũ Cao Đàm de la période 1926-1931, on peut citer : Tête d’une jeune Vietnamienne (Tête d’Indochinoise), vers 1927-1928 ; Jeune Paysanne, bronze, 1927 ; Tête d’homme, pierre, 1927 ; Buste de mon père, Vu Dinh Thi, bronze, 1927 ; Coq, bronze, 1927 ; Poules, bronze, 1928 ; Buste de Victor Tardieu, bronze, 1928 ; Jeune Vietnamien, bronze, 1928 ; Nu, plâtre, vers 1930 ; Homme au chapeau de mandarin, vers 1930/1931 ; et des bas-reliefs monumentaux exécutés avec Georges Khánh, de la promotion 1925-1930.
En 1931, Vũ Cao Đàm termine ses études et obtient une bourse qui lui permet de partir en France. Une fois à Paris, il réside d’abord à la Cité universitaire, qui doit encore conserver l’une de ses sculptures inspirées d’une tête khmère de Bouddha. Il participe à l’Exposition coloniale de 1931, dont le commissaire est le maréchal Lyautey, sous le patronage de Paul Reynaud, avec Lê Phổ et Georges Khánh, entre autres artistes, si bien que son nom commence déjà à circuler dans les milieux artistiques. Plus tard, en 1936-1937, il partage un appartement avenue de Saxe avec Mai Trung Thứ. Peu après son arrivée dans la capitale française, il exécute les bustes du ministre Paul Reynaud. Il étudie à l’École du Louvre dans la section « Extrême-Orient ». On lui commande le buste d’Albert Sarraut, alors ministre des Colonies, et sous son patronage il expose ses œuvres à la Maison de l’Indochine. Sa réputation de sculpteur lui vaut d’emblée de nombreuses commandes : Jacques Stern, Maurice Lehmann, alors directeur du théâtre du Châtelet, l’empereur Bảo Đại, le colonel de La Brosse, Roger Bourdin – ténor de l’Opéra de Paris –, André Baugé et bien d’autres. En 1934, une édition d’un buste de la tête d’un Jeune Vietnamien est réalisée par la Manufacture de Sèvres.
En 1936, il rencontre Renée Appriou, une jeune pianiste qui étudie à la Schola Cantorum sous la direction de Vincent d’Indy. Ils se marient en 1938 et ont deux enfants : Michel né en 1941 et Yannick en 1942. La guerre interrompt sa carrière de sculpteur en raison de l’impossibilité de fondre le bronze : sa fusion est interdite et le métal réquisitionné par les Allemands. Il se consacre donc entièrement à la peinture et ne réalise plus qu’occasionnellement des sculptures modelées en argile, qui sont ensuite cuites et patinées. En 1936, il sculpte quelques bustes dont celui du poète français Jean Tardieu, et celui de sa femme Marie-Laure un an plus tard. Une amitié forte et durable unira les deux hommes jusqu’à leurs derniers jours. Avec sa famille, il emménage en 1942 au 6, de la rue des Favorites, dans le XVe arrondissement de Paris. En 1944, ils s’installent dans un grand studio-appartement aux 6e et 7e étages du 14, avenue du parc à Vanves, près de Paris. Son ami Mai Trung Thứ habite quant à lui aux mêmes étages, au numéro 16 voisin.
En 1946, Vũ Cao Đàm organise une exposition personnelle à la galerie Van Riek à Paris. La même année, Hồ Chí Minh est reçu en visite officielle en France, résidant d’abord à l’hôtel, puis chez M. et Mme Aubrac à Soisy-sous-Montmorency. Vũ Cao Đàm réalise alors le buste de Hồ Chí Minh ainsi qu’un médaillon bas-relief en terre cuite (aujourd’hui perdu), et frappe à l’hôtel de la Monnaie de Paris une médaille commémorative en bronze à l’effigie de ce dernier. Il offre un tableau sur soie, Maternité, à Hồ Chí Minh, qui le donne à son tour à ses hôtes peu avant la naissance de leur troisième enfant survenue lors de son séjour (Hồ Chí Minh en sera le parrain). Les Aubrac conserveront le tableau toute leur vie.
Vũ Cao Đàm continue à peindre des compositions et des fleurs sur soie. La même année, il expose ses peintures sur soie et Jeannine Auboyer, assistante au musée Guimet, écrit un article élogieux dans France Illustration. Ses amis artistes vietnamiens étaient Lê Phổ, Mai Thứ son voisin, et Lê Thị Lựu.
Souffrant d’asthme depuis des années et voyant sa santé décliner, Vũ Cao Đàm prend la décision en 1949 de quitter Paris, dont le climat n’est pas favorable à son état. Son neveu par alliance, Can Do Dinh, et sa femme Nguyen Thi Kim (la nièce de Vũ Cao Đàm Anna), accompagnés de leurs deux petites filles Marguerite et Angèle, les ont rejoints, ayant fui les hostilités vietnamiennes. Ensemble, ils s’installent à Béziers fin 1949. Loin de Paris, sa peinture prend une tournure plus naturaliste, sans doute pour répondre aux exigences d’un marché moins sophistiqué que celui de la capitale. Si certains paysages sont influencés par la lumière du Sud et la peinture française de la Renaissance (il a ensuite réalisé de nombreuses œuvres à la détrempe et à l’œuf), il continue surtout à peindre des scènes rappelant le Vietnam. Lors d’un court séjour sur la Côte d’Azur en mai-juin 1952, il rencontre Alphonse Chave et, grâce à lui, s’installe à Vence en juillet 1952, d’abord à la villa « Les Cadrans solaires » sur la route de Saint-Paul-de-Vence, puis en novembre à la villa « Les Heures claires » sur la route de Saint-Jeannet, non loin de la chapelle du Rosaire et du lieu où Matisse avait habité, et à un kilomètre de la résidence de Chagall.
Ce seront des années fertiles et intéressantes, une forte émulation régnant dans ce milieu artistique de la Côte d’Azur. En 1957, il expose à La Chaux-de-Fonds et à Langenthal, en Suisse, aidé par ses amis, les collectionneurs et mécènes Lucie et Roger Tissot. En 1959, il s’installe définitivement à Saint-Paul-de-Vence où il demeure jusqu’à sa mort en 2000. Chagall rejoint également ce village, lieu de rencontre unique pour les artistes. Fin 1963, Vũ Cao Đàm signe un contrat avec la galerie Wally Findlay, avec laquelle il expose régulièrement par la suite à Paris, New York, Chicago, Palm Beach et Los Angeles. En 1997, il écrivait : « Aujourd’hui où l’on va vers une expression multiculturelle et multiraciale, je pense avoir été parmi les premiers à avoir tenté de concilier mes racines orientales sans rompre avec la tradition, avec ma perception des enseignements tirés de l’étude des grands maîtres de la culture occidentale. »
En 2000, il est fait officier de l’ordre du Mérite. Il décède en juillet de la même année et est inhumé dans le cimetière de Saint-Paul-de-Vence.
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